L’enterrement digne et sécurisé (EDS) est une pratique sanitaire impérative pendant des périodes épidémiques à haut risque. Depuis l’avènement de la dixième épidémie à virus Ebola en République Démocratique du Congo, RDC, l’on recourt à cette pratique de prévention en provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Mais les membres de la communauté l’apprécient différemment. Les spécialistes en santé avancent pourtant qu’elle est d’une importance capitale.
Depuis le 1er août 2018, date annonçant l’avènement de la maladie à virus Ebola en provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, le ministère national de la santé a recommandé que la pratique de l’EDS soit obligatoire. Ceci pour éviter que les corps des morts d’Ebola ne soient pas source de la propagation de l’épidémie.
« L’enterrement digne et sécurisé est ainsi qualifié puisque dans sa pratique elle respecte la culture, la religion, le vœu du défunt et de sa famille et les prescrits de l’État sur les enterrements », circonscrit Fabiola VALINANDE, Chef du pilier EDS dans la coordination de la riposte contre Ebola en ville de Butembo. Elle explique encore que « la sécurité au cours de l’EDS consiste en la protection des parties prenantes obligés de porter masques du corps, gans et d’accepter la décontamination ou la désinfection par l’eau chlorée du corps du défunt et des objets situés dans l’environnement de la personne morte d’Ebola ».
L’activité d’enterrer dignement et en sécurité d’un corps exige une attention sanitaire particulière et une prudence de tous en période de grave épidémie : Le personnel compétent et membres de la communauté endeuillée doivent obéir minutieusement à ces certaines conditions pour prévenir les autres membres de la communauté du risque de contracter le virus mortel.
Qui se charge de l’enterrement?
Ce sont des spécialistes qui organisent l’enterrement digne et sécurisé. Docteur John KOMBE, coordonnateur de la riposte contre Ebola à Butembo, explique que c’est le personnel soignant bien formé en la matière ou les membres de la croix rouge, des leaders/relais communautaire et de la protection civile aussi formés, à qui l’on peut associer quelques membres volontaires de la famille pour témoigner du bien-fondé de l’EDS. « C’est pour le bien de la communauté que nous le faisons, pas nous seuls. Nous appelons les membres de la communauté qui puissent se rassurer de tout ce qui se fait. Nous l’habillons et il nous accompagne de la famille dans toutes les pratiques à faire autour du corps. Tout ça pour le sécuriser ».
Sur le terrain, la procédure de l’enterrement digne et sécurisé parait comme une nouveauté dans la région affectée par Ebola. Une activité qui semble être différente de la façon traditionnelle d’organiser les enterrements. L’intervention notamment d’un personnel soignant ou des personnes autrement accoutrées, masquées n’était pas une habitude. Des témoignages sur la pratique préventive d’enterrement digne et sécurisé dans des familles dénotent qu’il y a encore une ignorance de plus d’une personne sur le bien fondé de cette pratique.
Une femme, dont la famille a accepté que l’EDS se fasse autour d’un cas dans sa famille, d’ailleurs déclaré négatif, raconte qu’elle s’est attisé la haine des voisins pour avoir accepté la réalisation de l’EDS chez elle. Sous anonymat, elle témoignage, en outre, de l’importance de l’EDS qui a, selon elle, prévenu les membres de sa familles.
Les rumeurs autour de l’EDS
« Le personnel avait fait son travail : faire le test pour déclarer le cas positif de Ebola ou non, désinfecter la maison. Après quoi, il avait effectué un enterrement digne et sécurisé en notre présence, nous les familiers. Nous avions alors compris que les rumeurs qui circulent dans la communauté sont différentes de la réalité. Exemple, dans le quartier on dit que la famille est corrompu afin d’accepter l’EDS. C’est faux. On demande notamment si l’on peut payer le cercueil pour le corps. Si la famille est d’accord, l’équipe de réponse achète. Dans le cas contraire, la famille elle-même prend la charge, raconte la femme en se rappelant que l’acceptation de l’EDS l’a faite ennemi de tout le monde ».
Elle s’explique : « J’étais vendeuse de boisson alcoolisée, mais à partir de ce deuil, personne n’arrivait chez moi. Des visiteurs, des voisins, comme des clients, je ne recevais plus d’hospitalité et de confiance. Ils m’accusaient d’avoir sacrifié l’enfant pour de l’argent. Pourtant non. On ne sait jamais quelle maladie emporte quelqu’un. La maladie à virus Ebola est dangereuse, comme le dit le personnel soignant. Les médecins se donnent pour sauver nos vies. Mais on ne donne aucune somme d’argent ou rien d’autre pour faire l’EDS ».
La perception des habitants
Par ailleurs, une appréciation divergente s’observe dans la communauté, à l’égard de l’EDS et on observe des préjugés orchestrés sur cette pratique préventive. « L’EDS est une bonne pratique, parce que lors de la cérémonie funèbre nous ne touchons plus le cadavre et, donc, nous ne pouvons plus contracter des maladies », pensent certains habitants de Butembo. Ils sollicitent, toutefois, que l’équipe de réponse à Ebola peaufine de nouvelles méthodes devant permettre de revoir, ne fût-ce que, la figure du disparu pour un au revoir. « C’est une pratique qui a pris place de notre tradition. Elle ne permet pas d’organiser le rite selon notre culture, pas question de voir le défunt, de lui asperger de l’eau bénite. C’est une pratique qui correspondant à la mondialisation. Nous ne vivions pas ça chez nous, auparavant. Mais on accepte ça comme ça », retiennent d’autres. Ceux-ci réclament l’éradication définitive de la maladie à virus Ebola afin que le deuil soit organisé ordinairement dans leur communauté.
Le respect des règles d’hygiène
Pour le personnel soignant, la communauté devrait, non seulement retenir l’importance de l’enterrement digne et sécurisé, mais aussi mobiliser tous les membres de la communauté à respecter les prescrits hygiéniques pour contribuer à la lutte contre Ebola. « C’est juste pour le contexte que nous faisons l’EDS », précise le docteur John KOMBE, coordonnateur de la riposte à Ebola à Butembo.
Ce médecin conscientise en plus qu’il est préférable qu’en période épidémiologique dans une région, l’EDS se fasse pour tout cas de mort. Cette sécurisation est liée au risque que court la communauté devant un corps mort dans une région d’épidémie. Docteur John KOMBE assure que cette sécurité est efficace jusqu’à la tombe de la personne morte d’Ebola. Occasion pour lui d’appeler la communauté à accepter l’EDS et à collaborer avec l’équipe de réponse à Ebola afin que la maladie soit éradiquée.
Patrick Kalungwana