Le Collectif des Radios et Télévisions Communautaires du Nord-Kivu (CORACON) en collaboration avec ses partenaires a organisé une séance d’échanges avec les acteurs politiques, ceux de la société civile, ainsi que les journalistes. Il était question d’échanger au tour de l’implication des personnes ressources féminines dans différents programmes des médias au Nord-Kivu.
En République démocratique du Congo (RDC), la culture limite les femmes. Jadis, dans certaines cultures, il était interdit à la femme de prendre parole au milieu des hommes. C’est comme par exemple, lors de la discussion de la dot, seuls les hommes devaient échanger au salon et la femme, restait à la cuisine en train d’apprêter la nourriture que les hommes vont manger après les échanges. Au réveil, quand on allumait le poste récepteur, on entendait seulement les hommes s’exprimer. En famille, seul l’époux peut prendre des grandes décisions sans consulter son épouse. Ce qui fait que beaucoup de femmes se renferment sur elles-mêmes. Ces habitudes ont impacté négativement sur la participation de la femme aux contenus médiatiques. Jusqu’à nos jours, le défi reste énorme quant à l’implication des personnes ressources féminines dans différents programmes des médias au Nord Kivu.
D’une part, ces coutumes rétrogrades ont fait que la femme se sous-estime et pense que seuls les hommes peuvent avoir des bonnes idées à donner aux médias. D’autres part, quelques journalistes n’approchent pas les femmes sous prétexte qu’elles sont indisponibles et parfois aussi réticentes.
De nos jours, des avancées sont déjà visibles. Quelques femmes ont dépassé des limites culturelles et s’expriment sans difficulté dans des grandes rencontres. Certaines femmes parlent de la politique, santé et autres sujets d’actualité aux médias sans s’inquiéter. Elles adhèrent dans des partis politiques et participent quelques fois aux débats dans des radios ou télévisions, mais leur nombre n’est pas encore considérable.
Que pensent les participants à la table ronde qu’a organisé CORACON sur l’implication des personnes ressources féminines dans différents programmes des médias au Nord-Kivu ?
Gédéon MUHINDO est journaliste à la radio Sauti ya Injili à Goma : « Sur le terrain, je ne cherche pas les femmes car il est difficile de les aborder. Les femmes sont moins visibles. Elles parlent moins. Selon moi, elles craignent les médias ».
Joslyne BASOKI, journaliste et rédactrice en chef à la radio Alpha Omega à Goma ajoute en disant : « Personnellement, je n’arrive pas à songer plus aux femmes comme personnes ressources. Bien sûre, elles parlent beaucoup hors micro mais si vous leur tendez le microphone, elles ne parlent plus. C’est pourquoi, je pense en premier lieu aux hommes quand j’ai besoin d’une personne ressource car ils s’expriment sans crainte ».
L’encadrement des femmes politiques
Augustin KAPILA, acteur politique et porte-parole du parti de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) nous partage son témoignage : « Dans notre parti politique, les femmes se sous-estiment. Ces dernières ont peur surtout de parler de la politique. Pour les aider à surmonter leur peur, nous sélectionnons quelques femmes que nous jugeons motivées et les encadrons pour qu’elles aillent de l’avant. »
Clarisse ZIHINDULA, l’une des panélistes, travaille à la maison de la femme au Nord-Kivu. Elle est chargée de l’autonomisation de la jeune fille. Voici sa thèse : « La sous-estimation à laquelle les hommes font allusion n’a rien à avoir avec la femme. Dans plusieurs coutumes, dès le bas âge, on interdit à la fille de trop parler malgré la perfection qu’elle peut posséder. C’est pourquoi nous devons l’intégrer dans la société et enlever la crainte en elle. Quelques journalistes ne facilitent pas et ne permettent pas aux femmes de s’exprimer. Approchez-la, mettez-la en confiance et soyez patient. Vous verrez que la peur de cette femme va disparaitre ».
Marie Noel KABUYA est journaliste et directrice des informations à MISHAPI VOICE TV à Goma et l’une des panélistes, avance ce qui suit : « Certains hommes ont reconnu les capacités de la femme. Le problème reste au niveau de rassurer et encourager les femmes pour qu’elles aillent de l’avant. Les hommes et femmes des médias doivent cesser de se plaindre au sujet de l’indisponibilité des femmes, il faudrait plutôt prendre rendez-vous avec cette femme et bien expliquer à la femme la pertinence de sa contribution dans la société ».
Marie Noël fustige aussi le fait que certains chevaliers de la plume publient les hésitations et erreurs orthophoniques lors des interviews avec certaines femmes débutantes qui occupent des postes de prise des décisions. Pourquoi ils ne font pas de même pour les hommes débutants dans des postes politico-administratifs qui sont stratégiques ?
Selon elle, les journalistes doivent donner la chance aux hommes et aux femmes, pour que les médias contribuent au développement inclusif de la société.
Rédaction du CORACON