La province du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo(RDC), est une zone marquée par des conflits armés et une instabilité chronique. Dans ce contexte, les journalistes jouent un rôle essentiel en informant la population et le reste du monde des réalités locales. Toutefois, cette mission s’accompagne souvent d’une exposition à des situations traumatisantes, ce qui pose un défi majeur pour leur santé mentale.
À l’occasion de la Journée Nationale de la Liberté de la Presse du Congo, célébrée à Goma le 22 juillet 2024, le psychologue Henri Kabeya avait mis en lumière les risques psychologiques auxquels les journalistes sont confrontés. C’était devant une centaine des journalistes réunis dans une salle de Goma pour la célébration de cette journée.
Le psychologue Henri Kabeya a insisté sur l’importance de la prise de conscience de dangers d’exposition à des situations traumatisantes.
L’expert a détaillé les différents niveaux de stress auxquels les journalistes peuvent être soumis, couvrant les aspects physiques, mentaux, émotionnels, comportementaux et spirituels.
Il a expliqué que le stress se manifeste de diverses façons, allant des troubles du sommeil aux problèmes de concentration, en passant par des symptômes physiques tels que les maux de tête et les douleurs musculaires.
Les journalistes du Nord-Kivu ne sont pas seulement exposés au stress, mais également au traumatisme, suite à des événements violents et perturbants comme les images des tueries de civils par armes blanches, les attaques armées ou les menaces de mort. Les réactions immédiates à ces traumatismes peuvent inclure des troubles gastro-intestinaux, une fatigue extrême et une hyper vigilance.
Parmi les stratégies pour prévenir le traumatisme, il y a la prise de conscience des « stresseurs et stressés». Il est essentiel que les journalistes identifient les facteurs de stress dans leur environnement de travail. Cette prise de conscience leur permet de reconnaître les signes de stress et de prendre des mesures pour y faire face, afin d’accéder à un soutien psychologique est vital.
« Le recours à des professionnels de la santé mentale est essentiel », a-t-il dit. Les séances de thérapie offrent des outils pour gérer le stress et traiter les symptômes de traumatisme.
Les groupes de soutien entre pairs permettent également de partager des expériences et des stratégies.
Le journaliste peut aussi adopter des « comportements d’autosoins », comme les rencontres avec les amis, lire, écouter de la musique, faire du sport, passer du temps avec les enfants, avoir des passe-temps et prendre des vacances, changer de décor et éteindre le téléphone.
Intégrer des formations sur la gestion du stress et le traumatisme dans les programmes de développement professionnel des journalistes est fondamental. Comprendre les signes avant-coureurs du traumatisme et savoir comment y répondre améliore la résilience des journalistes. Il faut également développer d’autres techniques de gestion du stress. L’expert a recommandé plusieurs stratégies pour gérer le stress, telles que :
- Techniques de relaxation : La méditation, la respiration profonde et le yoga.
- Exercice physique : Une activité physique régulière pour libérer les tensions.
- Routine de sommeil : Une bonne hygiène de sommeil pour la récupération physique et mentale.
Il est crucial d’établir des limites professionnelles. Fixer des limites entre vie professionnelle et vie personnelle est indispensable. Les journalistes doivent éviter de ramener le travail à la maison et consacrer du temps à des activités de détente.
Les journalistes du Nord-Kivu exercent leur métier dans des conditions particulièrement éprouvantes. En adoptant des stratégies de gestion du stress et en cherchant un soutien adéquat, ils peuvent mieux se protéger contre les effets négatifs de leur profession. La santé mentale des journalistes est non seulement cruciale pour leur bien-être personnel, mais également pour leur capacité à continuer à informer le public de manière efficace et éthique.
L’Union Nationale de la Presse du Congo(UNPC) section du Nord-Kivu avait coorganisé cette rencontre avec le Collectif des Radios Communautaires du Nord-Kivu (CORACON) et d’autres partenaires sous le thème : « Le Nord-Kivu : le coût psychologique du journalisme en zone de conflit ».
Quelques mois (ou 5 mois) après cette activité, CORACON a réuni des rédacteurs en chef et des journalistes de Goma pour évaluer la façon dont ils intègrent ces notions dans leur travail quotidien, surtout avec les équipes qu’ils dirigent. Selon les témoignages des journalistes, le travail reste encore énorme, mais il faut aussi une forte implication des managers et des promoteurs des medias, pour arriver à préserver la santé mentale des journalistes.