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Goma: des commerçantes vendent des produits de première nécessité au marché. Photo: http://www.Alamy.com

Nord-Kivu : La covid-19 paralyse la vie socio-économique de la population

La province du Nord-Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo (RD Congo) fait face à une situation incertaine due à la pandémie du Coronavirus. Cela se remarque sur le plan socio-économique.

Avec environ 8 millions d’habitants, le Nord Kivu a déjà enregistré 181 cas positifs depuis Mars 2020 selon le rapport du 10 Juillet du Comité Multisectoriel de la Riposte à la Pandémie du Covid-19 en RD Condo (CMR Covid-19).

Par rapport à l’augmentation du nombre des personnes atteintes , le gouvernement de la RD Congo a décrété un Etat d’urgence sanitaire. Il s’agit d’une série des mesures pour réduire la propagation du virus  dans le pays. Parmi ces mesures, on note l’interdiction de tout rassemblement, célébrations religieuses ou festives de plus de 20 personnes dans les lieux publics. La même décision a ordonné la fermeture des écoles, bars, restaurants, universités et d’autres activités de masse sur tout le territoire national.

Comment ces mesures impactent-elles la vie socio-économique des membres de la communauté dans les villes de Goma et Butembo ?

Les mesures de confinement en province du Nord Kivu ne sont pas restées sans conséquences. Pour Freddy MOKEKWA, enseignant dans une école privée à Goma, « les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le Coronavirus sont bonnes, mais pour nous, qui n’enseignons pas dans des écoles publiques, cela a impacté sur nos économies ». Il ajoute que cela fait 4 mois que lui et ses collègues ne reçoivent pas le salaire mensuel contrairement à ceux des écoles publiques qui sont toujours rémunérés bien qu’ils restent à la maison sans travailler». Actuellement, c’est le petit commerce qu’entreprend la femme de Freddy qui lui permet de survivre.

Pour cet enseignant, la prise en charge de sa famille est devenue un véritable casse-tête. « Je suis père de 3 enfants et j’héberge d’autres membres de la famille élargie. Avant Covid-19, nous mangions 3 fois par jour mais actuellement nous mangeons difficilement 2 fois par jour».

Il en est de même pour le pouvoir d’achat qui a chuté. Le prix de certains biens a grimpé. Il faut trouver des nouvelles sources de revenus, « si cette situation persiste, je compte me lancer dans l’entrepreneuriat des produits de 1ère nécessité », envisage Freddy.

Que devient la vie avec la fermeture des bars et des restaurants ?

Mesmin KWABO est un propriétaire d’une entreprise gastronomique bien connue en ville de Butembo, le restaurant-Bar Jambo Plazza. Il déplore le déséquilibre économique qu’entraine selon lui l’isolement des villes de Goma, Bukavu, Butembo, Beni en passant par le territoire de Rutshuru. Pour lui, cette situation affecte son commerce parce que les gros de ces marchandises viennent de toutes les villes isolées.  Il s’agit en l’occurrence du fromage, des poissons sambaza (fretins) et des saucissons qui viennent de Goma. Il en est de même pour  les poissons, les poulets de chaires et  œufs qu’il achète souvent à Kasindi, cité frontalière avec l’Ouganda. Il renseigne qu’en période d’isolement total, il était pratiquement impossible d’accéder à certains produits. Aujourd’hui avec l’assouplissement de certaines mesures dans le cadre de l’urgence sanitaire, le commerce reprend petit à petit. Même si les prix de certains produits ont galopé, regrette Mesmin KWABO.

Devant cette situation, les pertes sont énormes. Les revenus ont sensiblement baissé, ajoute Mesmin « Nous enregistrons entre 20 et 30% de baisse sur nos revenus et en plus il y a dépréciation du franc congolais face au dollar américain », souligne-t-il.

Pour s’en sortir, Mesmin KWABO essaie de réduire les dépenses quotidiennes. « Il s’agit par exemple de réduire le train de vie. Si la famille pouvait manger 2kg de viande par jour, aujourd’hui on est descendu à 1kg », indique-t-il.

Par ailleurs, depuis la suspension des enseignements cours universitaires certains étudiants ont trouvé des moyens pour s’occuper utilement. C’est le cas de Merveille MAKASI, une jeune étudiante de 21 ans vivant à Goma : «Depuis que notre gouvernement a demandé la suspension momentanée des activités académiques, j’ai jugé bon de m’occuper autrement en cousant des cache-nez. Pour savoir comment les confectionner, je cherchais par ici par-là les tutoriels sur internet. Je suis capable de réaliser 100 masques en pagne en une journée. Actuellement je gagne au moins 20$ par jour grâce à cette activité. Pour moi, c’est une très belle expérience car ça me permet de subvenir à mes besoins primaires sans déranger mes parents. »

Quel impact de la Covid-19 sur le plan national ?

Selon KAMBALE TALIMA, économiste vivant en ville de Butembo,  « de façon global, la Covid-19 a un impact quasiment négatif d’autant plus que la RD Congo est un pays avec une économie extravertie ». Il ajoute : «  A partir du moment où l’économie mondiale est tellement touchée, et que nous dépendons quasiment de l’exportation des matières premières brutes, notre pays subit de plein fouet la crise du Coronavirus. Aussi la chute des revenus due à la non exportation des matières premières au niveau des villes, par exemple le café, le quinquina, que ce soit certains minerais, et donc ce secteur est freiné d’autant plus que la demande n’existe plus au niveau international. Le stock qui est là est un stock des réserves. Les agents économiques se disent que si on écoule ce stock rien ne garantit que dans deux mois on fera des importations ». Selon lui, le Think Tank Congo Challenge dirigé par l’ancien Premier ministre Matata MPONYO prédit une baisse annuelle de 20 % des recettes publiques sur les filières cuivre, cobalt et pétrole, hors revenus collectés par les sociétés d’État. « Si par mois on vendait cent tonnes de cuivre par exemple, ce dernier temps on en vend que quatre-vingt. Les vingt autres tonnes ne sont plus commandées à cause de la fermeture et/ou la baisse de production au niveau de la Chine », explique l’expert financier.

Il ajoute en disant : « Outre les secteurs miniers, il y a le commerce général qui est touché par ce que les importations et les exportations sont freinées. Que ça soit dans le secteur de la restauration, que ça soit dans l’hôtellerie et autres, on constate un ralentissement sans précédent des activités. Pour lui, au-delà de cela on peut souligner la hausse des prix des produits alimentaires due à la peur d’un éventuel total confinement.

Afin de sortir de cette impasse, KAMBALE TALIMA pense qu’il faudra subventionner les entreprises. Il faut tenter d’arrêter un taux d’intérêt adapté à la situation et venir en appui à certains secteurs vitaux de la vie, tel le secteur des producteurs agro-pastoraux. Au-delà de cela, baisser les impôts et taxes pour le peu d’opérateurs économiques qui peuvent faire des importations, afin de faciliter ne serait-ce que l’entrée de certains produits au niveau national, recommande-t-il.

Philippe MAKOMERA, journaliste à la radio Moto Butembo Beni

Gracias MWANZA, journaliste à la radio Tayna de Goma