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Reagan MWANAWEKA, journaliste à la radio Tayna, interviewe un habitant de Buhene qui a perdu sa maison pendant l’éruption du volcan Nyiragongo. Photo: CORACON.

L’éruption du Nyiragongo, quel impact pour les radios communautaires?

Samedi, 22 mai 2021, à la tombée de la nuit, des mouvements des populations à Goma s’observent partout dans la ville. Une éruption volcanique vient de se déclarer mais ce sont des habitants de la partie Nord de la ville qui donnent l’information contrairement aux règles qui souhaitent que ce soit l’autorité qui livre ce genre d’information.

C’est plus tard à 21h00 que le Gouverneur de la Province, par un communiqué lu à la Radio Télévision Nationale Congolaise, confirmera l’éruption volcanique du Nyiragongo. La ville touristique tombe dans une panique totale avec des mouvements des personnes dans tous les sens, sans aucune coordination. La lave a coulé toute la nuit et détruit, à son passage, une partie des installations hydrauliques et électriques ainsi que des maisons d’habitation situées dans la partie Nord de la ville avant de s’arrêter. Goma, chef-lieu de la Province du Nord-Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo, a une population dynamique et résiliente, estimée à un million d’habitants.

Dans une telle situation, quel rôle, les radios communautaires ont-elles joué ? Elles n’ont pas cessé d’informer la population sur l’évolution de la situation volcanologique. Quelques-unes ont déployé leurs reporters par ici, par là pour faire un état de lieu dans chaque coin de la ville. D’autres ont aménagé leur programme en faveur des informations sur le volcan en se mettant en relai avec des radios proches du lieu du sinistre. Les informations produites sont celles qui renseignaient sur les zones dangereuses, la situation des déplacés ainsi que les dispositions prises par le gouvernement et les ONG pour l’assistance humanitaire.

Bien que la coulée de lave se fût rapidement arrêtée sans atteindre le cœur de la ville, une série de tremblements de terre continuèrent à terroriser les habitants. C’est ainsi que le 26 mai, le Gouverneur de la province du Nord-Kivu avait demandé aux populations de 10 quartiers de la ville de Goma les plus susceptibles d’être affecté par la coulée de lave d’évacuer immédiatement.   L’ordre du Gouverneur a été suivi des déplacements massifs des populations qui n’avaient pas encore quitté la ville ou qui étaient retournées précocement juste après l’arrêt de la coulée de lave.   Destination des mouvements, les villes voisines dont Sake, Bukavu, Kiwanja, Gisenyi (Rwanda). Au cours de ces déplacements, plusieurs parents ont perdu leurs enfants. Quelques parents ne savaient pas par où commencer pour chercher leurs enfants perdus. A ce niveau, quelques radios de Goma ont diffusé gratuitement des communiqués des enfants perdus. Cette initiative a largement contribué à la réunification des familles dont les membres étaient dispersés.  

Comment les radios communautaires ont traversé cette période ? Quelques responsables des radios nous en parlent ici :

David KALENDA, directeur de la radio Pole à Goma : « La Radio Pole Fm a continué à fonctionner certes mais avec un service minimum et une équipe réduite. Pour informer la population, nous avons procédé par des animations d’antennes au cours desquelles les différents responsables de la protection civile intervenaient et certains auditeurs posaient leurs questions. L’éruption volcanique nous a privé d’un certain nombre de nos journalistes et techniciens, et  les auditeurs n’ont malheureusement pas eu leur journal des informations. Cependant, nous avons eu l’opportunité de nous rapprocher davantage avec la population notamment les familles qui étaient à la recherche de leurs enfants perdus. J’ai dû vivre plus de deux semaines entre site de déplacés de Minova, une nuit dans la voiture à Mugunga, me laver dans des toilettes insalubres etc… Au retour à domicile,  j’ai trouvé une maison fissurée et plein de poussière.  La leçon tirée est que pour un outil comme la radio, il est important d’avoir un plan d’évacuation des dépendants des journalistes pour que ces derniers continuent plus ou moins sereinement à informer correctement la population. »

Pascal MUHINDO MAPENZI est le responsable de la radio Moto Oicha à Oicha : « Même à  de plus de 300 Km de la ville de Goma, l’éruption volcanique a eu un impact direct sur notre rédaction en ce sens qu’elle a obligé  nos correspondants de Goma de quitter la ville pour se mettre à l’abri et/ou à suspendre le travail et notre rédaction n’avait plus un accès régulier aux d’informations fiables.  Pourtant nos auditeurs, qui ont beaucoup des familles et amis à Goma, voulaient être informés de la situation. Nous avons utilisé beaucoup de moyens, en termes de communication, afin de trouver d’autres personnes ressources à Goma. Pour surmonter cette difficulté, nous avons identifié quelques correspondants occasionnels dans les contrées environnantes qui ont accueilli les sinistrés du volcan.

Ezra KASEREKA MAKOMA , directeur de la radio Sauti ya Injili à Goma : « A partir du jour de l’éruption, ma radio a focalisé le contenu de ses émissions, sur les messages d’espoir, de réconfort et d’apaisement. La radio a fonctionné difficilement et a été obligé de fonctionner en service minimum car certains journalistes et animateurs avaient aussi quitté la ville pour la protection de leurs familles. Notre radio se trouvant dans l’un des quartiers exposés selon l’autorité provinciale, nous avons dû dégager certains matériels plus importants et continuer toujours à émettre normalement. Nous avons commencé à réceptionner plusieurs communiqués des enfants égarés, en moyenne 50 par jour, que nous avons diffusé dans toutes nos tranches de communiqués gratuitement. Ainsi sur le plan financier, aucune entrée suite à la fermeture des banques.

Les leçons tirées : une mauvaise communication de la part des autorités pendant des moments de crise peut causer des dégâts humains énormes, Nyiragongo est un volcan dont le cycle d’éruption n’est pas régulier, la radio a besoin d’un soutien moral et financier de la part de l’Etat surtout pendant ces moments difficiles car le travail qu’elle abat est très important.»

MUHINDO MAWA est le manager de la Radio Evangélique de Butembo : « Notre  radio a continué à fonctionner très normalement pendant la période de crise de l’éruption volcanique puisqu’elle est située à Butembo, à plus ou moins 350 km de Goma.

Pour informer la population de l’évolution de la situation, nous avons fait des papiers, des émissions spéciales sur l’éruption. Nous avons prié Dieu et collecté des vivres et d’autres biens utiles pour les déplacés présents à Butembo. Personnellement, j’ai pu payer les frais de voyage Goma-Butembo d’une famille constituée de 6 membres. Ma recommandation est qu’il faut évaluer le travail de l’Observatoire Volcanologique de Goma : avant, pendant et après l’éruption volcanique ».

Rédaction CORACON