Le 21 septembre est la journée internationale de la paix. Mais à l’Est du Congo la paix n’est pas encore acquise dans toutes les régions. L’Insécurité mets la vie de la population et surtout des journalistes en danger. A ce sujet, le constat de Muhindo Mapenzi Pascal de la Radio Moto Oicha est révélateur.
Dans la région de Beni au Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC) sévit une insécurité due à la présence des groupes armés locaux et étrangers dont la milice « ADF-NALU ». Elle est originaire de l’Ouganda. Sur place, la population mène une vie difficile, et particulièrement les journalistes. Ceux-ci, sont souvent victimes des menaces, des tortures, d’intimidations et des pillages de leurs biens. Les journalistes de cette région travaillent dans un environnement hostile à la liberté de presse.
Monsieur ISSA MUSANGO est directeur de la radio du peuple de Oicha. Le Lundi 09 Septembre 2019, sa radio a été la cible d’un pillage des matériels. Des assaillants ont débarqué à la radio et se sont empressés à débrancher quelques matériels. Voici son témoignage : « Ma radio a été vandalisée par 3 hommes en armes vêtus en tenue militaire. Ils ont envahi nos installations vers 19 heures 45 alors que nous étions en pleine émission. Ils ont intimidé les techniciens qui y étaient et ont arraché par force plusieurs matériels de diffusion dont 2 ordinateurs qui contenant les émissions et les archives de la radio. Pourtant, nous avons toujours demandé la sécurité de nos installations mais en vain ».
Les menaces
La sécurité des journalistes de cette région est loin d’être une réalité. Jackson Sivulyamwenge est rédacteur en chef à la Radio Moto Oicha, une des radios communautaires locales. L’an dernier il a été victime d’extorsion de ses outils de travail. Il se souvient : « J’habite à quelques mètres de la radio. Un certain mercredi vers 19 heures 30, je devrais aller présenter le journal de 21 heures. J’ai rencontré trois hommes armés et vêtu en tenue militaire. Ils m’ont demandé de m’arrêter et d’éteindre la torche que j’avais en main. J’avais un dictaphone, deux téléphones, un pour moi et un autre pour la radio. Ils ont tout pris y compris mes pièces d’identité dont une carte de service. Quand ils se sont rendu compte que j’étais journaliste, ils ont commencé à me menacer de mort affirmant soit disant que les journalistes les accusent souvent à travers leurs informations. A ce moment-là j’étais assis par terre sur leur instruction. L’un d’eux a demandé qu’on me tue pour que je ne les dénonce pas à la radio. Heureusement pour moi, les autres ont refusé et ils sont partis abandonnant mes cartes d’identité à quelques mètres de moi. J’avais fait appel à mon collègue pour présenter le journal à ma place parce que j’étais déjà traumatisé ».
Des cas de ce genre sont multiples dans la région de Beni, nombreux journalistes ont été dépouillés de leurs outils de travail et d’autres ont subi des tortures. En décembre 2018, le journaliste Bernard MUKE de la radio Évangélique de Virunga située à Mutwanga sur la route Beni-Kasindi, a été torturé par deux hommes en armé qui lui ont ravi sa carte de service, un téléphone et deux clés USB de la radio. La même année, le journaliste Patriote TAIPA de la radio Muungano de Oicha s’est vu dépouiller de son dictaphone et de son téléphone quand il quittait la radio pour son domicile aux heures vespérales. En Novembre 2016, la radio communautaire de Eringeti, située à 30 kilomètres au Nord de Oicha, a été brûlée lors d’une attaque des rebelles dans cette localité.
Le devoir du journaliste
Dans l’exercice de leur métier, les journalistes de Beni font face à des intimidations, des menaces de prison et fermeture des radios. Il y a aussi, des menaces d’enlèvement, d’assassinat et de destruction des stations à travers des tracts.
Josué Bashizi, directeur de la radio Muungano d’Oicha se rappelle qu’en 2016, lui et son collègue de la Radio Moto Oicha ont subi des menaces et intimidations dans les locaux du service de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) au territoire de Beni. « Ils nous ont convoqué seulement pour nous demander de citer la source d’une information sécuritaire que nos radios avaient diffusée la veille. Ils nous ont privé la liberté pendant environ 8 heures, enfermés dans leurs locaux. Ils menaçaient de nous mettre en prison si jamais on ne dévoile pas le nom de la personne qui nous a livré l’information. Et nous, jus qu’au bout, nous avons protégé notre source jus qu’à ce qu’ils ont décidé de nous remettre en liberté », se souvient Josué Bashizi.
La difficulté d’accéder à la vraie information est parmi les problèmes majeurs des journalistes de Beni. Ceci fait peur à la journaliste Edwige RUHANGA, nouvellement recrutée dans une radio à Oicha. Elle raconte : « Il est maintenant dangéreux d’aller dans d’autres agglomérations autour de Oicha comme à Beni ville, à Eringeti, à Kamango, à Kasindi pour réaliser des reportages parce que tous les axes routiers autour de Oicha sont déjà en insécurité et les embuscades peuvent être tendues n’importe où sur ces routes. Nous sommes vraiment enclavés, moi j’ai peur de quitter Oicha pour aller réaliser un reportage dans un autre village. Il y a d’autres journalistes qui prennent le risque sur ces routes. Il arrive aussi des moments où les autorités civiles ou militaires nous interdisent d’accéder à certains endroits pour collecter des informations. Lors qu’on est présent, on vous interpelle et vous demande de rentrer ou vous devenez objet d’une surveillance. Ils peuvent confisquer vos matériels de travail ou tout simplement les détruire ».
De plus, les journalistes, n’ont pas le vrai soutien des autorités locales et des services de sécurité regrette Richard Kirimba, un journaliste de Oicha. Il dénonce : « Certaines autorités nous accusent de vouloir les désolidariser de la population. Plusieurs fois, ils nous interdisent de diffuser les comptes rendus de rencontres des acteurs de la société qui appellent à des manifestations pour réclamer la paix. Nous sommes très surveillés par l’armée, la police, l’ANR, l’administration locale. Une fois nos informations ne rencontrent pas l’assentiment de ces autorités, elles nous interpellent à leurs bureaux et parfois elles menacent de fermer la radio. De fois l’armée nous accuse de travailler en connivence avec les rebelles. Il y a eu des moments où l’armée nous a défendu de diffuser les informations sécuritaire, par exemple donner le bilan des opérations militaires, ne pas dire que les rebelles ont brûlé des maisons, qu’ils ont tué au tant de personnes, alors que c’est la réalité et tout le monde a vu ça. Parfois, pendant les conférences de rédaction, il nous arrive de taire délibérément une information lorsque nous constatons qu’elle va exposer la radio ou le journaliste.»
La responsabilité du journaliste
Dans cette situation, Monsieur Kavetya Mbusa, chef des programmes à la radio Moto Oicha, est conscient que les journalistes doivent travailler avec professionnalisme pour ne pas s’exposer. Il rappelle les journalistes : « A ces jours où notre région est secouée par la guerre, nous journalistes, nous avons pris comme armes la neutralité, la vérité, l’objectivité, l’indépendance. Nous ne diffusions que des informations fiables, vraies, bien fouillées, vérifiées auprès des sources fiables et équilibrées ».
Depuis 2014, les forces armées de la RD Congo mènent des opérations militaires contre les rebelles ougandais de l’ADF. Ces opérations, dénommées SOKOLA 1, trainent à finir et ont déjà plongé la région de Beni dans une insécurité caractérisée par des massacres des populations, des incendies des maisons, des attaques contre les villages, les déplacements massifs des populations et des embuscades sur des routes. Les journalistes des médias locaux ont de la peine pour bien faire leur travail. Nombreux sont victimes des accusations qu’ils peuvent faire dans leurs articles.
Pascal MUHINDO. Journaliste.