
Depuis plusieurs mois, les provinces de la République démocratique du Congo (RDC) ne reçoivent plus de l’argent du gouvernement central. Cette situation touche aussi les radios communautaires.
En conséquence le gouvernement de la province Nord Kivu ne sait plus payer ses agents, les loyers de ses bureaux et construire des infrastructures pour le bien-être de la population. Situation qui inquiète aussi le Collectif des Radios et Télévisions Communautaires du Nord-Kivu (CORACON). L’économie des populations de cette entité étant, au fait, l’un des facteurs majeurs de la prospérité des radios communautaires.
Selon l’article 175 de la constitution de la RDC, la part des recettes à caractère national allouées aux provinces est établie à 40%. Elle est retenue à la source. Mais cette disposition n’a jamais été mise en application. Elle est remplacée par la rétrocession. On attend par rétrocession, ce montant que le gouvernement reverse aux provinces. Ce montant est déduit des recettes à caractère national que les provinces récoltent.
Manque de transparence
Seul le gouvernement central connaît le mode de répartition. Dans son rapport sur la reddition des comptes au Nord Kivu pour l’exercice 2015 à 2016, la cour de compte révèle que même ce montant de rétrocession n’était jamais transmis aux provinces dans sa totalité. Le gouverneur de la province Nord-Kivu, Julien Paluku, a lui-même confirmé cela devant les députés provinciaux. C’était lors de la présentation en juin dernier, de l’édit du budget rectificatif de la province du Nord-Kivu.
Chaque année, le pouvoir central communique aux provinces, des montants qu’elles sont tenues d’inscrire comme prévisions à titre de la part des recettes à caractère national. Or, le pouvoir central transfère habituellement des faibles montants. Ce qui accentue aussi la faiblesse de l’exécution de leurs budgets par les provinces, avait fait remarquer un représentant de la cour de compte. C’était lors d’un atelier de restitution sur la reddition des comptes des budgets de la province du Nord-Kivu, organisé le 14 Avril à Goma et auquel le CORACON a pris part.
Financement difficile
Par exemple en 2015 sur des prévisions de 151 501 439 855 francs congolais (CDF) les recettes à caractère national ont été réalisées à 57 098 560 580 CDF. Donc 62,31% moins par rapport à la planification.
Depuis un moment, les provinces ne reçoivent même plus rien du gouvernement central. Selon la loi sur la libre administration des provinces du 31 juillet 2008, les provinces dépendent beaucoup de la rétrocession. Cette dernière finance le fonctionnement des institutions provinciales (assemblée provinciale et gouvernement provincial). Aussi, la rétrocession finance les investissements de la province, les rémunérations aux services transférés (l’enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPSP), la santé, l’agriculture et développement rural). Enfin, la subvention aux services déconcentrés (les territoires et autres).
La conséquence la plus palpable est que le personnel administratif de l’Assemblée et du Gouvernement provinciaux enregistre plus de huit mois d’arriéré de salaire. Sans citer les ministres et les députés provinciaux. Depuis le 31 mai dernier, les infirmiers du secteur public en ville de Butembo étaient en grève. C’était pour réclamer leur prime de risque. Grève qu’ils viennent de suspendre pour faire face à l’épidémie d’Ebola.
Dans un entretien avec le rapporteur de l’assemblée provincial du Nord Kivu le député Nkuba Kahombo a déclaré que son institution doit plus de 40 000 dollars américains de location des immeubles qu’elle occupe. Pourtant la Province réalise environs 1 000 000 de dollars de recettes propres, s’interroge un agent à l’Assemblée Provinciale.
Plusieurs projets annoncés, notamment la réhabilitation de la voirie de Beni, ont plusieurs fois été repoussés. Et les routes à travers la province souffrent de manque d’entretien.
Le gouverneur du Nord-Kivu Julien Paluku a dit dans un entretien avec Radio Okapi qu’il adopte un mode de gestion sur « base caisse ». Il explique qu’il s’agit d’adapter les dépenses sur le montant disponible en caisse. C’est-à-dire selon le chef de l’exécutif, qu’on budgétise une action à 1000 dollars mais au finish on n’a que 20 dollars. On doit tout faire pour que les 20 dollars remplissent le même rôle que les 1000 devraient remplir. Cela pousse logiquement à ce que le résultat ne soit pas identique, explique-t-il.
En 2015 la Province avait un projet de construction de 37 écoles primaires et secondaires pour des prévisions de 3 613 482 596 CDF. Le paiement s’est effectué à hauteur de 1 545 589 469,87 CDF. En outre, pour le projet de forage de cinq puits à Lubero et Beni il était prévue 82 023 024 CDF. Mais le paiement était 46 666 284 CDF.
Respecter les lois
Pour le chef des travaux à l’Institut supérieur de commerce ISC/Goma et expert-comptable Déo BENGEYA, cette question est politique. Il fait remarquer que les budgets ou édits des finances sont des lois. Ne pas les exécuter c’est synonyme de les violer. D’où des sanctions doivent s’appliquer ajoute-t-il.
Comme solution il préconise que les exécutifs optimisent la mobilisation de leurs recettes propres. D’une part, c’est pour compenser le déficit dans la réalisation pour des recettes à caractère national à rétrocéder à la province. D’autre part, pour exécuter les dépenses qu’elle a souverainement programmées à travers l’édit budgétaire.
De son côté Placide Nzilamba acteur de la société civile du Nord Kivu soutient qu’il faut revenir aux prescrits de la constitution. C’est-à-dire l’application intégrale du principe de la retenue à la source de 40% des recettes à caractères national collectées par la province. Cela permettra à l’action du gouvernement provincial d’être plus palpable sur le terrain.
Notez que la cour des comptes a relevé certaines difficultés dans l’accomplissement de sa mission. C’est entre autres le manque d’accès sur le terrain pour vérifier les ouvrages sur lesquels l’argent a été affecté. Ce qui peut signifier que les chiffres mises en disposition peuvent être victimes de manipulation.
Il faut souligner aussi, le retard enregistré dans le dépôt des rapports des entités territoriales décentralisées voire les fausses déclarations de la part des services concernés, a indiqué un expert de la cour des comptes.
Institution publique
La cour des comptes est une institution publique. Elle dispose du pouvoir général et permanent de la gestion des finances et des biens publics. Ainsi que de tous les établissements publics. Elle exerce un contrôle juridictionnel selon les articles 21à 34 de l’ordonnance-loi n°87-005 du 6 février 1987 fixant la composition, l’organisation et le fonctionnement de la cour des comptes.
CORACON attend toujours que la gouvernance de la chose publique soit améliorée afin que les subventions de l’Etat aux médias reconnus par la loi mais non encore réalisées deviennent enfin une réalité.
Jonas Kiriko