Clôture de la paix

Les éléphants se promènent. Photo: pixabay

Cet article est le fruit d’un concours journalistique de CORACON. Richard Kirimba de la Radio Moto Oicha montre, comment une simple clôture électrique a amené la paix pour beaucoup de cultivateurs en territoire de Beni à l’est de la République démocratique du Congo.

Cette clôture empêche les éléphants au secteur nord du parc national de Virunga à envahir les champs des paysans. Les cultivateurs riverains du parc ont trouvé cette solution avec l’appui de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) après des années de conflits. De lors, une relation de confiance existe entre les autorités du parc et les paysans sur les axes Bulongo-Kasindi et Bulongo-Kitau . La clôture électrique est en fait l’un des rares projets de l’ICCN que les populations riveraines du parc soutiennent.

Pour empêcher définitivement les pachydermes (loxodonta africana) de sortir du parc, un dispositif électrique est installé aux limites avec les champs des paysans. Chaque fois que les éléphants essaient de franchir, ils ressentent de l’énergie électrique à une distance de 5 m du dispositif. C’est une expérience tirée du Kenya selon un agent de l’ICCN.

Il s’agit d’un dispositif simple utilisant de l’énergie solaire. Il est constitué des panneaux avec des batteries de 12 volt transformés à 4000 volt voire 6000 volt à l’aide d’un « éléctrificateur puissant », révèle l’agent de l’ICCN. Depuis son installation, la clôture électrique n’a pas connu de problèmes de maintenance. Même en période où on a souvent de pluie, il n’y a jamais eu de coupure du courant dans la ligne selon l’ICCN. Toute fois pour l’efficacité du dispositif, les batteries sont remplacées chaque quatre ans. Ceci ressort du financement de l’ ICCN avec ses partenaires. Les autorités de Mutsora, une station basée à Mutwanga, chef-lieu du secteur de Ruwenzori, confirment ces informations.

 

 

Une clôture protège les champs.
Photo: Richard Kirimba

Ses fils ont déjà couvert 23 km et bientôt 45km sur la route Bulongo-Kasindi. Pas des statistiques officielles, mais le chargé de conservation communautaire estime que près de 100 champs des paysans sont protégés par le système.

La demande est permanente dans les champs non encore couverts, comme à Mabasimba et à Mahimbi, deux villages voisins de Bulongo. Ici, la procédure de couverture n’est pas encore entamée car les les riverains N’acceptent pas les limites du parc.

Une femme à Kibanda, village proche de la cité de Lume, se souvient comment c’était avant les fils électriques : « C’était catastrophique. Les éléphants sortaient du parc pour saccager les cultures dans nos champs. C’est souvent la nuit que ces animaux géants quittaient leur biotope pour venir s’en prendre aux bananiers et courges dans nos champs ». Plusieurs autres agriculteurs témoignent presque la même chose. Certains disent que la trace d’un éléphant dans le champ est semblable au passage d’un gros véhicule. « C’est un monstre qui n’épargne rien à son passage. Du café, des ananas, du manioc, vraiment tout était sauvagement détruit », renforce un autre cultivateur de Bulongo.

Soulèvements populaires

Chaque passage des éléphants était source des soulèvements populaires. Les agriculteurs se sont rendus souvent à Mutsora, la plus proche station de l’ICCN, pour réclamer l’indemnisation des cultures détruites par les pachydermes. Mais l’ICCN a toujours rejeté cette revendication. Les autorités s’appuient sur la loi no 14/003 du 11 Février 2014 relative à la conservation de la nature qui stipule que « … lorsqu’un spécimen d’espèce de faune sauvage intégralement protégée se retrouve en dehors des limites d’une aire protégée, la population riveraine est tenue d’alerter le conservateur le plus proche pour son refoulement ». Voilà qui semble compliquer la situation : tout homme qui mène une activité dans le parc est puni par la loi ; mais quand c’est l’animal du parc qui saccage les cultures des paysans, la loi se réserve.

Pour faire face à cette prédation, les agriculteurs utilisaient diverses stratégies. Certains étaient contraints de monter la garde nocturne dans leurs champs. D’autres entretenaient un grand feu pour faire peur aux éléphants. « Je faisais un mélange de la crotte de cet animal et du piment. Mis au feu, la fumée devient désagréable aux éléphants et les éloignaient ainsi de mon champ », témoigne un cultivateur de Kitau. D’autres signalent qu’ils se contentaient de produire un grand bruit à l’approche de ce « monstre géant ». Et cela à l’aide des tambours et des sifflets. Parfois débordés, les paysans recouraient à l’intervention du conservateur de Mutsora. D’ici venaient les gardes qui avaient mission de tirer à l’air, méthode appelée « refoulement » par arme à feu.

Un conflit délicat

« Toutes ces stratégies se sont révélées inefficaces », précise Paluku Bikanza, chargé de conservation communautaire au parc national des Virunga secteur nord. Pour lui, malgré le refoulement par arme à feu ou par des stratégies paysannes, les éléphants revenaient toujours. Et le conflit s’intensifiait. Certains cultivateurs étaient même tentés d’empoisonner ces bêtes à partir des produits des champs.

Depuis le lancement du clôture électronique en 2010, les cultivateurs de ce coin témoignent une production de taille dans leurs champ. De leur coté, les autorités de l’ICCN reconnaissent des améliorations dans leurs relations avec les paysans voisins. « Depuis l’installation de ce fil électrique, les cas de soulèvement ont diminué, contre notre institution », reconnaît le conservateur Olivier Baeni, responsable de la station de l’ICCN à Mutsora. Il ajoute que la population locale se mobilise régulièrement pour entretenir le passage dudit fil électrique.

De l’ordre des proboscidiens, famille d’éléphants, cet animal appartient à l’espèce de loxodonta africana. Plus grand et puissant animal terrestre, l’éléphant mange environ 225 kg des végétaux par jour et consomme 135 litres d’eau en une fois. Ce monstre végétarien marche avec une vitesse de 8 à 9 km par heure et peut parcourir 80 km par jour. Avec une longévité de 70 ans, une gestation de 22 mois, le pachyderme pèse de 4 à 6 tonnes.

Un agent de l’ICCN s’interroge : « Un tel animal, comment ne pourrait-il pas ravager des cultures dans les champs des paysans, une fois qu’il y accède ».